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20 ans de carrière, 1 400 spectateurs… Toofan et le miroir brisé des ambitions togolaises

Le Zénith de Paris, situé à la Porte de la Villette, dispose d’une capacité de 6 800 places. Une salle respectable, mais qui impose également des normes strictes de sécurité : pas de débordement, chaque place est comptée. Pourtant, ce week-end, le groupe Toofan y a célébré ses 20 ans de carrière musicale. Sur le papier, cela aurait dû être un événement majeur pour la scène musicale togolaise. Dans les faits, c’était une désillusion.

D’abord, remettons les choses dans leur contexte. La salle n’était pas pleine. Loin de là. Une grande partie du Zénith a été dissimulée derrière des rideaux noirs, réduisant de moitié la capacité réelle exploitée. Les côtés de la salle, censés être remplis de chaises et de fans, étaient eux aussi recouverts de tentures noires pour masquer le vide. En réalité, c’est à peine 1 400 personnes qui étaient présentes pour célébrer deux décennies de musique. Et encore, Toofan n’était pas seul : plusieurs artistes invités sont venus renforcer l’affiche.

Alors, on se pose une question simple : où est l’exploit ?

Quand on voit Fally Ipupa remplir l’Accor Arena à Nanterre avec 40 000 fans, Sidiki Diabaté réunir 30 000 personnes, ou Ferre Gola faire salle comble à 40 000 spectateurs, comment peut-on, sérieusement, fêter 6 800 places (divisées par deux) comme une victoire historique après 20 ans de carrière ?

Une diaspora présente… mais pas conquise

La région Île-de-France est l’un des plus gros foyers de la diaspora africaine en Europe. À seulement 3 heures de route de Bruxelles, un haut-lieu de la communauté togolaise également. Pourtant, le groupe Toofan n’a pas su mobiliser au-delà de ce noyau dur qui les suit depuis leurs débuts. Cela prouve que l’impact du groupe reste limité.

Ce constat n’est pas seulement un bilan sur Toofan, c’est un miroir tendu à toute une génération d’artistes togolais. Notre musique peine à traverser les frontières car elle manque d’identité sonore propre, de travail de fond, d’authenticité rythmique. Les Congolais ont leur rumba. Les Ivoiriens ont le coupé-décalé. Les Nigérians ont l’afrobeats. Mais nous, Togolais, que proposons-nous au monde ?

Une culture bridée par un système politique étouffant

Toofan n’est pas un phénomène indépendant. Ils sont aussi, et il faut le dire, un produit du système RPT/UNIR, qui les a mis en avant au détriment de nombreux autres talents. Et comme ce système, le groupe semble avoir plafonné. À l’image des 20 ans de règne de Faure Gnassingbé, ces 20 ans de Toofan laissent un goût d’inachevé, de potentiel gaspillé.

Ce pays a été réduit dans son ambition, même sur le plan culturel. Le Togolais se contente du minimum, se cache derrière une fausse modestie, accepte la stagnation. Mais le monde ne fait pas de place aux modestes résignés. Il faut rêver plus grand. Il faut conquérir. Il faut innover.

Alors, que faut-il faire ?

Il est temps que les artistes togolais retroussent leurs manches. Qu’ils se reconnectent à leur culture, qu’ils explorent les rythmes de chez nous, qu’ils créent une identité musicale forte et reconnaissable. Il est aussi temps que le public togolais cesse d’applaudir la médiocrité par patriotisme aveugle, et commence à exiger l’excellence.

Oui, Toofan a tenté. Mais non, ce n’est pas un exploit. C’est un signal d’alarme. Un appel à se remettre en question.

Le Togo mérite mieux. Le Togo peut faire mieux. Le Togo DOIT faire mieux.

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